Panique à Thiercelieux 4

Ravie de voir autant de voyageurs arriver à Thiercelieux, Johane observait les nouveaux arrivants. Lorsque le jeune homme blond eut fini son discours, elle s'approcha de lui et lui murmura à l'oreille :

J'habite sur la place du village, près de la fontaine. Si vous souhaitez trouver un logement, il y a l'ancienne écurie attenante à ma maisonnette qui est disponible. Je n'ai plus d'animaux depuis un moment, ayant recycler mon champ dans la culture du blé. Puis je vous offrir un verre ?

Après avoir longuement paressé auprès du feu, Clochette entendit quelqu’un proposer une partie de carte. C’était l’homme qu’elle avait apperçu à son arrivée, vétu d’un simple tonneau. Certes sa bourse était maigre, mais le peu qu’il lui restait ne lui permettait pas d’acquérir une nouvelle paire de chausses pour le retour. « Tu joues le tout pour le tout », pensa-t-elle. Elle rapprocha des joueurs de cartes et posa quelques écus sur la table.

« - Acceptez que je me joigne à vous, j’aurez grand plaisir à jouer en votre compagnie. »

Vital, tu restes ici, tu ne sors pas !... Non, toi tu ne touches pas à cela !... Aliette, arrêtes de chougner !... Jehane occupes toi donc de ta petite soeur !... Amaury, tu ne tires pas les cheveux de la petite pour la faire pleurer !... Où est passée Ysarée?... Aymery, je t'ai dit de poser ce tisonnier !... Vous allez immédiatement au lit, vous vous dépêchez !... Les jumeaux, vous arrêtez tout de suite ou je vous file une torniole !... *Tant bien que mal, la jeune femme réussit enfin à coucher toute sa marmaille. Elle put ainsi profiter de rares moments de répit. Elle se dirigea vers la fenêtre, regardant la nuit dehors. Non loin, la lumière brillait à l'auberge qui semblait accueillir de nombreux clients ce soir. Elle soupira : Entre ses cinq enfants, elle avait peu le temps d'aller boire un verre à la taverne ou de profiter de la compagnie des villageois. Elle pensa à son mari, qui l'avait abandonnée à peine enceinte d'un septième. Il avait dit qu'il revenait... Mais cela faisait bientôt huit mois... Elle allait bientôt accoucher, et il n'était toujours pas là... Que faisait-il donc? Dans ses rêves, elle le voyait dans les bras d'une autre femme, et elle se réveillait à chaque fois en larmes. Si seulement cela ne pouvait pas être vrai...
Il était temps pour elle de regagner sa couche. Le lendemain, comme tous les matins, elle devra se lever tôt pour toutes les tâches ménagères et autres corvées...*

Clochette se réveilla d’humeur triste ce matin. Comment allait-elle payer sa note à la taverne après sa défaite d’hier soir ? Elle avait tout perdu aux cartes, victime de la poisse ou de la triche elle ne savait le dire. Elle avait faim et se décida à descendre dans la salle de l’auberge. Elle était la première levée à l’auberge, la salle était déserte pour l’instant. Elle commanda une omelette et demanda au tavernier :

- « Monsieur, j’aurais grand besoin de travailler pour gagner quelque argent. Ne connaissez vous pas quelqu’un à qui je pourrais vendre mes services ? Je sais travailler à la maison comme au champ »

- « Hola, ma p’tite dame ! Seriez vous en train de me dire que vous z’avez rien pour payer votre note ? On mange pas de ce pain là ici, vous payez ou vous payez ! Voilà les deux solutions ! »

- « Hélas Monsieur, j’ai tout perdu aux cartes hier soir. Mais je vous paierais dès que j’aurais trouvé un travail ici, vous avez ma parole »

- « La parole d’une drôlesse ne m’intéresse pas ! Fallait pas jouer aux cartes, ceux avec qui vous avez joué hier sont de très bons joueurs. Fallait pas vous mesurer à eux ! C’est tout ! »

Clochette sorti de la taverne, affamée, en quête d’un travail. Elle aperçu l’étal des marchands de tapis. Aucun des deux vendeurs ne semblait être là, peut être dormaient-ils encore. Elle se décida à les attendre, pour leur proposer ses services. Ces marchands étrangers lui avaient semblé riches après tout.

Le soleil s'était hissé péniblement dans le ciel de Thiercelieux.
Dazibao avait (enfin) finit d'écrire son discours. Il avait hâte de pouvoir le déclamer.
Or justement l'occasion arrivait à l'instant par la grande route. Une troupe de la Très Sainte Inquisition, Inquisteur en tête, venait de pénétrer dans le village et prenait ses quartier sur la place publique.
Dans un ordre exemplaire, une partie des soldats commençaient à monter une estrade. Une escouade se dirigea vers la mairie.
Dazibao roula son parchemin dans une de ses manches et descendit à leur rencontre.

Le soldat de tête s'adressa directement à Dazibao :

- Je présume que c'est là la mairie de ce village et que vous en êtes le maire.
- Oui da, mon bon sire.... vous êtes ?
- le capitaine Marcus, officier de la Très Sainte Inquisition. J'accompagne Son excellence Pyrophilus, inquisiteur de son état. Veuillez rassemblez vos villageois sur la place immédiatement !
Sur quoi le capitaine et ses hommes tournèrent les talons, sans laisser le temps à Dazibao de répondre quoi que ce soit.

Dazibao, qui n'était pas le dernier à réfléchir, se dit qu'il valait mieux obtempérer. Il courut cogner à toutes les portes, demandant à toutes les personnes présentes dans le village de se rassembler en place publique.

Après une heure, tout le monde faisait face à l'inquisiteur, perché sur son estrade maintenant construite. Des soldats s'affairaient à mettre en place un.... bûcher, aurait-on cru.
Dazibao s'avança. Il grimpa sur l'estrade aux côté de l'inquisiteur, sous le regard méfiant du capitaine Marcus. Après avoir fait un sourire des plus niais qui soient à l'inquisiteur et au capitaine, Dazibao sortit et déroula son parchemin.
Il s'éclaircit la gorge et déclama :

Oillé ! Oillé ! Tièrsseulieuksins zé tièrsseulieuksines, votre atansion,
Linkizission é arivai anla pèrssone de.....heu... son eksellanse Pire o falus, affin deu purjé leu mâl ki nou ronje. Akeuyonlé kom il seudoi.
Chair inkiziteur, vou zète issi ché vou é vou pouvai prendreu ceukil vou pléra : arjan, tèr, fame. Cé avek joi ke tièrsseulieu anrichira légliz !
mèrssi deu nou zavoir choizi. Vou zète janti.

Dazibao rangea son parchemin. Son regard parcourut l'assemblée puis la troupe de l'inquisition. Son discours les avait médusé... assurément le meilleur de toute sa vie.
La réponse de l'inquisiteur ne se fit pas attendre longtemps :

- Capitaine ! Brûlez cet hérétique !

Avant qu'il n'ait vraiment eu le temps de comprendre le sens des propos de l'inquisiteur, Dazibao était ficelé sur le bûcher et deux soldats l'encadraient avec une torche à la main.

Heu... on peut peut-être trouver un arrangement ? On... on peut discuter ?!

L'inquisiteur fit un signe de tête et les soldats mirent le feu au bûcher, qui s'embrasa rapidement, enfermant le pauvre maire dans un carcan de flammes dévorantes.

Clochette faisait encore le poireau devant l’étal des marchands. « Quelle bande de feignasses quand même ces marchands ! », pensa-t-elle.

Soudain, une troupe armée arriva, avec à sa tête le capitaine et un homme d’église. Le maire se précipita à leur rencontre, un parchemin à la main. Clochette n’entendit pas ce qu’ils se disaient. Avant qu’elle n’ait eu le temps de s’approcher, le maire rôtissait sur le bûcher. L’odeur nauséabonde qui se dégageait du bûcher souleva le cœur de Clochette, qui se mit à vomir tripes et boyaux sur un tapis des marchands. « Mais c’est pas vrai ! Comment je vais le payer moi ce tapis ! ». Clochette décida de rentrer à l’auberge, tout en prenant au air très dégagé. "Si seulement je savais siffler !"